The City of Absurdity The Straight Story
Cannes Press Conference

Hommage au troisième âge du cinéma

par Cristina Marino, Le Monde interactif - vendredi 21 mai 1999

Les deux conférences de presse de ce vendredi matin ont été marquées par la présence de plusieurs " dinosaures " du cinéma aux visages ridés par les années. Tout d´abord, la conférence du film The Straight Story a réuni autour du réalisateur David Lynch de vieilles figures du cinéma américain, notamment les acteurs Richard Farnsworth et Harry Dean Stanton. C´est ensuite le réalisateur portugais, Manoel de Oliveira, âgé de plus de 80 ans, qui est venu défendre La Lettre, libre adaptation du roman de Mme de La Fayette, La Princesse de Clèves.

10h30 : la projection de presse du film de David Lynch, The Straight Story, s´achève devant une salle pleine à craquer. Les journalistes et autres professionnels du cinéma sont en effet venus en nombre assister à cette séance matinale, sans doute attirés par la réputation quelque peu sulfureuse du réalisateur de Sailor et Lula et de Twin Peaks. Ils ont dû être déçus. Ce film qui raconte le périple (inspirée d´un histoire vraie) d´un vieil homme à travers les Etats-Unis parti rejoindre sur sa tondeuse son frère mourant, n´a en fait rien à voir avec les œuvres précédentes de David Lynch. Simplicité et émotion ont remplacé ici le caractère violent et insolite de l´univers habituel des films de Lynch.

10h45 : affluence des grands jours dans la salle des conférences de presse. Ce qui est normal, vu la notoriété du cinéaste américain David Lynch accompagné pour l´occasion de l´actrice Sissy Spacek. Dès son entrée dans la salle, le réalisateur est littéralement assailli par les photographes et les chasseurs d´autographes. L´arrivée de l´acteur principal du film, Richard Farnsworth, ne passe pas inaperçue non plus et provoque un tonnerre d´applaudissements : chapeau de cow-boy fermement vissé en tête, chemise à la texane, bottes assorties, il semble sorti tout droit d´un western de John Ford (avec lequel il a d´ailleurs tourné). Son visage de vieillard empreint de noblesse et de bonté est impressionnant, on a le sentiment d´avoir devant soi le véritable Alvin Straight, dont l´histoire est contée dans le film. Autre visage marqué par les années et rendu célèbre par le film de Wim Wenders Paris Texas, celui de l´acteur Harry Dean Stanton.

11h00 : première question pour David Lynch, sur le fait de savoir si son retour en compétition à Cannes représente l´enfer, le paradis ou le purgatoire. Amusé, le cinéaste rétorque : " ce n´est pas à moi qu´il faut poser cette question. Vous devriez plutôt demander cela aux gens qui sont dans la salle. " Et il ajoute à propos du Festival lui-même : " il s´agit du plus grand festival du film au monde. C´est donc formidable pour moi d´être de nouveau ici en compétition. Cela permet d´ajouter un petit suspens à ce que je fais. "

11h10 : les deux scénaristes du film, John Roach et Mary Sweeney, reviennent en détails sur la genèse de ce projet. " Tout est parti de la lecture d´un article publié en 1994 dans le New York Times sur cet homme, Alvin Straight, qui a traversé une bonne partie des Etats-Unis, de l´Iowa au Wisconsin, sur une vieille tondeuse à gazon pour rejoindre son frère dans un autre Etat. ", explique Mary Sweeney. " Une fois la décision prise de réaliser ce film sous la direction de David Lynch, tout a été très vite. Le scénario a été écrit en trois mois, d´avril à juin 1998. " Pour l´écriture de ce scénario, les deux scénaristes ont rencontré longuement toute la famille d´Alvin Straight, mais aussi des personnes qui l´ont connu au cours de son voyage. Ils ont même été jusqu´à refaire à leur tour le périple entrepris par le vieil homme et ont rassemblé de nombreux documents, notamment sur le passé militaire d´Alvin. Les acteurs ont également rencontré les modèles réels dont leurs personnages s´inspirent. Ainsi, Sissy Spacek raconte : " j´ai rencontré à plusieurs reprises Rose Straight, la fille d´Alvin, que j´incarne à l´écran. Elle est venue passer quelques jours sur le tournage avec toute l´équipe. A la fin, tout le monde a fini par parler comme elle ! (dans le film, le personnage de Rose a des problèmes d´élocution). "

11h20 : pour l´interprétation du personnage d´Alvin Straight, David Lynch rend un vibrant hommage au travail accompli par l´acteur Richard Farnsworth. " Il y a des gens qui sont nés pour jouer certains rôles. Je pense que Richard était né pour incarner Alvin Straight. A chacune de ses paroles, c´est l´âme même d´Alvin qui ressort. Il a une présence phénoménale à l´écran. " Quant à Sissy Spacek, " elle est comme un caméléon. Elle peut jouer tout ce qu´elle veut. "

Interrogé à son tour sur sa façon d´interpréter le personnage d´Alvin, Richard Farnsworth explique : " Je me suis identifié assez facilement à ce vieux monsieur. Comme lui, je suis âgé et je viens d´un milieu rural. " Et d´ajouter avec humour : " Peu de temps avant que David Lynch me propose ce rôle, j´ai été opéré de la hanche. J´avais encore du mal à me déplacer et je n´avais pas très envie d´accepter un rôle. Mais quand David m´a appelé, il m´a dit : " C´est un rôle pour vous, le personnage marche avec deux cannes. "

11h30 : plusieurs journalistes reviennent sur le contraste entre ce film, véritable " road-movie " sur une tondeuse, et le reste de la filmographie de David Lynch plutôt placée sous le signe de la violence et de l´insolite. Refusant de donner des explications détaillées sur cette différence, le réalisateur se contente de déclarer : " pour la première fois dans toute ma carrière, un de mes films est classé dans la catégorie G (catégorie tous publics) aux Etats-Unis. C´est peut-être bien la dernière fois ! ". Il ajoute simplement : " ce film me semblait correspondre à l´air du temps. C´était la bonne chose à faire actuellement. "

11h45 : la collaboration étroite entre David Lynch et Angelo Badalamenti, compositeur attitré de toutes les musiques de ses films, est au centre de plusieurs questions de la salle. La complicité entre les deux apparaît de manière évidente. Angelo Badalamenti à propos de David Lynch : " David est un véritable forgeron des mots. Il me suffit de l´écouter parler pour associer peu à peu des sons, une mélodie à ses paroles. Pour ce film basé sur une histoire vraie, j´ai voulu composer une musique pleine d´émotion, une musique qui vous fait dresser les cheveux sur la tête, notamment le thème de Rose, qui revient comme un leitmotiv. " David Lynch à propos d´Angelo Badalamenti : " Angelo peut faire sortir des émotions de la musique comme personne d´autre. "

11h50 : la conférence de presse s´achève sur l´évocation d´une des grandes figures du cinéma américain, John Ford, avec qui l´acteur Richard Farnsworth a travaillé et dont David Lynch reconnaît l´influence indéniable sur son film.

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